Discours d'Annick Girardin, ministre des outre-mer, devant le CESECEG

Mis à jour le 28/11/2019

Discours d'Annick Girardin, ministre des outre-mer, prononcé devant le Conseil économique, social, environnement, de la culture et de l'éducation de Guyane (CESECEG) le 28 novembre 2019.

 

 

 

   

Intervention de Madame Annick GIRARDIN

Ministre des outre-mer

Discours au CESECEG

CTG – Cayenne – Guyane

Jeudi 28 novembre 2019

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président de la Collectivité territoriale de Guyane,

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Mesdames et messieurs les élus,

Mesdames et messieurs les membres du Conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l’éducation de Guyane (CESECEG),

Mesdames et messieurs,

Je suis très heureuse d’être devant vous aujourd’hui, devant cette assemblée si particulière qu’est le Conseil Economique et Social, Environnemental, de la culture et de l’éducation. Heureuse car vous représentez la société civile organisée, car vous représentez les forces vives guyanaises.

Le Président de la République a lancé les Assises des outre-mer il y a deux ans ici même, justement pour interroger cette France d’outre-mer sur ses aspirations, ses envies, ses souhaits. J’ai voulu des Assises qui tiennent compte des aspirations des ultramarins. J’ai voulu redonner la parole aux outre-mer, aux Guyanaises et aux Guyanais.

Certains doutaient, me renvoyaient à l’exercice des Etats Généraux ou du Plan d’Urgence pour la Guyane. Mais je ne voulais pas d’une parole de l’urgence ou d’une parole convenue. Les Assises en Guyane c’est 2000 participants à des ateliers, des réunions publiques, des projets, et c’est surtout des priorités claires exprimées par les guyanais.

Et c’est bien sur leur quotidien que les guyanais nous ont alerté. Sur l’éducation, sur la sécurité, sur le logement, sur l’emploi et sur la santé !

Ces priorités je les ai mises au cœur de mon agenda politique. Elles sont l’ossature du Livre Bleu. Et je veux ici, devant cette représentation qui m’est si chère, partager avec vous une conviction forte : les évènements de 2017 en Guyane, ceux de l’année dernière en métropole ou à La Réunion nous imposent une réalité nouvelle, complexe, fondamentale : nos politiques doivent avoir des effets immédiats, tangibles, permettant de changer la vie des gens sans pour autant abandonner la politique du temps long, qui est celle de la transformation de nos territoires.

C’est cela que nous avons fait avec les élus et avec les guyanais : assumer le Plan d’Urgence pour la Guyane d’une part, et, en même temps, construire et mettre en œuvre le Livre Bleu.

Je suis retournée sur le terrain, voir les guyanais, sur le fleuve, à l’intérieur, à Cayenne, à Kourou, à Cacao, pour montrer que nous tenons notre parole. Et surtout que nous respectons celle des Guyanais.

J’ai rencontré des citoyennes et des citoyens résolument tournés vers l’avenir, fiers d’être Guyanais, ancrés dans les réalités – parfois difficiles – du quotidien mais combattifs, positifs, volontaires.

Et ce n’est pas de l’angélisme de ma part ! Je vous le redis ici, les Guyanais ont eu raison de pointer les efforts à faire en matière d’emplois, de sécurité, d’éducation !

A ce sujet je posais hier la première pierre du nouveau lycée de Maripasoula. C’est la première construction scolaire du second degré depuis 2017 avec la cité scolaire de Saint-Georges de l’Oyapock (67 millions d’euros tout de même !) et je sais, Président Alexandre, que nous avons quatre autres projets à faire aboutir rapidement.

Mais un lycée est utile s’il est facile d’accès pour les élèves et les parents.

C’est pour ça que j’ai annoncé hier 35 millions d’euros pour la réfection de la route Maripasoula – Papaïchton : pour désenclaver les villages du fleuve, pour construire la Guyane de demain.

Sur le temps long maintenant, ce 4e séjour en Guyane renforce ma conviction qu’ici plus qu’ailleurs nous devons apporter des réponses à des enjeux majeurs :

L’enjeux du climat et de la biodiversité en respectant et protégeant le couvert forestier amazonien sans que cela n’obère le développement de la Guyane

L’enjeux du respect des populations en vivant votre diversité comme une force, dans le respect de tous, sans hiérarchie, en renforçant les passerelles. 

L’enjeux de l’intégration régionale en nourrissant un dialogue permanent avec nos voisins et en construisant avec eux bien plus que des ponts…

L’enjeux de la croissance économique, en valorisant enfin, à leur juste valeur, toutes les richesses de la Guyane.

Je suis la Ministre de tous les outre-mer, je les visite fréquemment, et je nourris une conviction que je partage avec vous : La Guyane est le territoire qui de part son foncier, ses ressources halieutiques, agricoles, minières, offre le plus de potentiel.

Mais sans des femmes et des hommes qui veulent bien aller les chercher, ces richesses ne seront rien ! Elles ne seront que frustration et sentiment d’inachevé.

Alors oui, le quotidien est rude, parfois trop inégalitaire, difficile, mais il n’y a pas de fatalité ! La Guyane a en elle les ressorts de son envol.

On dit trop souvent que les outre-mer sont une chance pour la France, évitons cette phrase, comment peut-on être une chance pour soi-même ? Ce qui est vrai c’est en revanche que nous avons une réelle chance de développement, qu’il faut la saisir, ensemble, en tenant je l’espère d’arrêter ce match stérile qui placerait d’un côté l’Etat et de l’autre le territoire.

Ce n’est pas la réalité, nous voulons tous que la Guyane décolle !

Que dire en effet de celles et ceux qui travaillent sans relâche, à l’ombre, sans aura médiatique et qui font pourtant la Guyane d’aujourd’hui ?

Que dire de l’équipe du centre départemental de prévention et de santé de Grand-Santi, qui se déplace régulièrement pour des consultations dans les communes éloignées comme Mofina, Apagui ou Providence ?

Que dire de la justice qui veut créer une pirogue du droit pour que tous les guyanais aient leur place dans notre république ?

Que dire de ces professeurs, de ces militaires de l’opération Harpie, de ces fonctionnaires territoriaux, de ces élus, de ces chefs coutumiers, de ces guyanais qui tous les jours œuvrent pour faire bouger les lignes et améliorent le quotidien des guyanais ?

Alors à vous, élus et membres du CESEG mon message sera clair : soyons au rendez-vous, construisons ensemble la Guyane de demain. Etats, élus locaux, monde économique et société civile. Dans un climat apaisé, les querelles partisanes mises de côté. Rien ne doit nous freiner dans cette envie d’investir dans l’avenir.

***

Et je sais combien nous partions de loin. En mai 2017, lors de mon arrivée au ministère, nous étions à peine en sortie d’une des pires crises sociales que la Guyane ait connues. Je le savais, c’était le premier dossier posé sur mon bureau. L’Etat avait pris des engagements sous la mandature précédente avec le plan d’urgence Guyane et les accords publiés au journal officiel de la République. Nous les avons tenus. La continuité de l’action publique au-delà des hommes et des femmes qui la mettent en œuvre est le principe fondateur de notre système Républicain.

Pour le Plan d’urgence pour la Guyane, la totalité des engagements sont aujourd’hui réalisés ou en cours, notamment les programmes d’investissements de l’Etat en matière d’infrastructures (routes, ouvrages d’art, bâtiments judiciaires).

Reste la question des transferts de foncier aux collectivités et aux peuples autochtones. Pourquoi cette question est-elle aussi importante ?

Parce que la terre de Guyane est française dans son droit, mais son histoire est d’abord amérindienne.

Parce que cette question est en fait fondamentale car elle nos interroge sur les bases de notre pacte républicain en nous parlant d’adaptation, d’altérité mais aussi d’unité et de confiance.

Cette question de transfert des 400 00 hectares à nos compatriotes amérindiens et bushinengués est un sujet qui nécessite un travail patient et innovant qui nous permettent de trouver un consensus acceptable par tous et, bien entendu, le plus rapidement possible.

J’ai donné mission à un conseiller d’Etat, M. Fraisse, qui va très rapidement prendre contact avec le préfet et le Grand conseil coutumier et me rendre ses premières conclusions en avril.

Nous avons identifié près de 3 380 hectares appartenant à l’Etat et dont la vocation actuelle est économique, selon le schéma d’aménagement régional. Je plaide pour que ces 3 380 hectares puissent faire l’objet d’un transfert rapide selon une procédure simplifiée. Pour le reste, nous devons impérativement adosser l’objectif du PUG à l’expression de projets, à la constatation des besoins. Nous avons besoin de fluidifier les procédures des commissions d’attribution foncière. Je souhaite que l’Etat se mette au service des entrepreneurs et des collectivités qui portent des projets de développement économique ou social. C’est le sens de la réforme de l’Etat en cours en Guyane.

En matière de sécurité, outre les prisons, c’est par exemple la mise en place du Plan Harpie 2 avec 140 militaires supplémentaires, un état-major de sécurité placé sous la direction d’un sous-préfet, des moyens supplémentaires aux frontières, une coopération avec le Suriname et le Brésil renforcée que nous voulons.

Concernant le déploiement de la Police de sécurité du quotidien (PSQ), de 2017 à aujourd’hui, les effectifs ont augmenté de 78 forces de l’ordre, police et gendarmerie nationale confondues.

En matière de protection judiciaire de la jeunesse, la construction du lieu d’accueil et de vie de Kourou, débutée en novembre 2018, se poursuit et l’ouverture du Centre éducatif fermé est programmé pour 2021.

Sur la santé, 15 postes de médecins spécialistes ont été déployés en Guyane cette année.

Concernant la déclinaison de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté en Guyane, 86 nouvelles places de crèches ont été créées en 2018 et plus de 5600 élèves de maternelles et de primaires profitent de la distribution gratuite de petits déjeuners depuis la rentrée 2019.

C’est aussi tout le dispositif d’accompagnement global du retour à l’emploi, porté conjointement par Pôle emploi, dont les effectifs ont été renforcés, et la CTG.

Entre décembre 2017 et avril 2019, le nombre de bénéficiaires de la prime d’activité a augmenté de 2200 personnes et le montant global annuel est passé de 18 millions d’euros à 27 millions d’euros, soit 9 millions d’euros de pouvoir d’achat supplémentaire pour les guyanais.

Au-delà, la suppression de la taxe d’habitation, qui sera compensée à l’euro près pour les communes, permet de restituer en 2020 7,4 millions d’euros de pouvoir d’achat à plus de 40 000 foyers guyanais. Cela représente 235 euros rendus à chaque foyer guyanais.

La baisse d’impôt sur le revenu bénéficiera à la quasi-totalité des foyers fiscaux guyanais et représente 5 millions d’euros d’allègements d’impôt sur le territoire.

Voilà une politique concrète, qui change le quotidien des gens.

Et le développement ne peut se faire sans celui des institutions locales. Je sais que le manque de trésorerie et de moyens techniques constitue un frein majeur au développement et à la concrétisation des projets. Je sais aussi que les dossiers sont de plus en plus compliqués à constituer.

Suite aux travaux du sénateur Patient et des élus d’outre-mer, nous allons abonder les budgets des collectivités de 18,7 millions d’euros supplémentaires dès 2020 et ce seront 85 millions d’euros supplémentaires qui seront alloués à ces collectivités d’ici à 2025.

Pour sortir des projets, j’ai porté à 7 millions d’euros les crédits de l’AFD dédiés à l’ingénierie et au suivi de projets.

Le 1er janvier 2020, une plateforme d’appui aux collectivités composée de trois cadres de haut niveau sera pleinement opérationnelle ici en Guyane.

Les projets nous allons donc concrètement les accompagner car nous les finançons. C’est pour cela que nous avons signé, avec le Président Alexandre cet étéle Contrat de convergence et de transformation : les engagements sont de 296 millions d’euros par l’Etat et de 197 millions d’euros par la CTG jusqu’en 2022.

Ce contrat s’inscrit directement dans les 5 défis de la Trajectoire outre-mer 5.0, projets financés à l’appui : par exemple la revitalisation du centre bourg de Maripasoula, la construction et l’extension de collèges et de lycées avec la projection de 10 établissements scolaires concernés sur le territoire, ou encore le doublement du pont du Larivot et le développement de bus à haut-niveau de service pour l’agglomération de Cayenne.

S’y ajoute le Fond exceptionnel d’investissement qui a été porté à 110 millions d’euros par an pour financer bien des projets structurants pour le quotidien des Guyanais : je pourrais citer l’électrification de près de 300 foyers à Camopi, l’amélioration du système d’eau potable pour l’agglomération de Cayenne, ou le développement des infrastructures sportives à Cayenne et Matoury.

***

Vous l’aurez compris, les accords de Guyane, les mesures du Livre bleu et le Contrat de convergence et de transformation se complètent en toute cohérence.

Je le disais tout à l’heure, nous avons mis en place, ensemble, les conditions de l’envol.

J’ai rencontré à mon arrivée l’ensemble des chefs de service de l’Etat. Mon message était simple : nous devons être au rendez-vous, nous devons porter les projets qui sont proposés par les élus, par les Guyanais.

L’État doit accompagner et non restreindre, je ne veux plus entendre que la Guyane est sous cloche.

Pour preuve, je viens de signer avec Rodolphe Alexandre un accord qui prévoit le versement de 32 millions d’euros à la collectivité en 2019 ainsi qu’une méthode permettant la signature d’un prêt à la collectivité de 67 millions d’euros à 100% garanti par l’Etat. C’est cela ce que j’appelle des partenariats gagnants, basés sur l’exigence et la confiance réciproque ! Et c’est cette approche qui permet l’éligibilité de la Guyane aux fonds de solidarité départementale, ce qui permet de préserver 11 millions d’euros au sein du budget de la collectivité malgré la recentralisation du RSA Revenu de solidarité active.

Nous sommes donc au rendez vous et je peux vous dire que le Président Alexandre est un redoutable négociateur et défenseur des intérêts de la Guyane !

Je l’ai affirmé en prenant mes fonctions, nous devons gagner la bataille de l’emploi, en soutenant les entreprises guyanaises. J’entends souvent les chefs d’entreprises me dire qu’il faut un traitement spécifique pour la Guyane car «la Guyane, c’est particulier ». Eh bien oui, la Guyane, c’est particulier car je vous le disais ma conviction est que c’est le territoire qui peut connaitre la croissance la plus spectaculaire.

Il y a tous les ingrédients : les ressources, le foncier, la position géographique, le savoir-faire, les capitaux…

Alors on m’a dit qu’il fallait plus de compétitivité pour les entreprises, je l’ai fait ! Cette réforme c’est 0 charge pour 85% des salariés de Guyane, cette réforme c’est une zone franche globale renforcée pour les entreprises, cette réforme c’est une confirmation des outils de défiscalisation, et c’est aussi des choses que l’on voit, concrètement, comme l’arrivée de la BPI en Guyane avec des outils adaptés à vos réalités. C’est également le renforcement du microcrédit et la mise en place de subventions puissantes.

Je ne vais pas plus détailler tout cela mais simplement vous dire que l’heure n’est plus aux complaintes, l’heure est à l’action. Les défis sont énormes et les soutiens sont réels, on peut faire des calculs sans fin mais la réalité est celle que je vous décris : la Guyane est un des territoires les plus attractifs d’Amérique du Sud pour faire du business.

Et les premiers résultats pour la Guyane sont là :

Les demandeurs d’emploi en catégorie A ont baissé entre 2018 et 2019 de pratiquement 5%. Le taux de chômage recule à 19%.

Le chômage reste une problématique majeure du territoire et je ne me satisfais de rien car ces chiffres sont encore bien trop élevés mais ces signaux positifs nous montrent que nous sommes sur le bon chemin.

Le rapport de l’IEDOM sur la conjoncture économique Guyanaise en 2018 le confirme : l’indicateur du climat des affaires se raffermit mais rien n’est gagné, nous ne devons pas nous arrêter en route, il faut aller au bout des choses.

Je vais prendre un exemple concret, celui de la Pêche. Suite à ma proposition de septembre 2018, les services de l’Etat ont produit une feuille de route remarquable, déclinée en 85 mesures opérationnelles. Et nous tenons nos engagements !

  • Nous avons recruté un « monsieur pêche » au sein de la Direction de la mer chargé du suivi du plan pêche 
  • Les 2 millions d’euros promis pour les infrastructures sont bel et bien sur la table : 500 000 euros seront dédiés à la modernisation des infrastructures du port du Larivot. 1,5 millions d’euros concernent l’équipement des principaux points de débarquement : Sinnamary, Kourou, Iracoubo ou encore Saint-Georges.
  • Grace à notre action à Bruxelles, les premiers navires de moins de 12 mètres, 4 dans un premier temps, pourraient être commandés très prochainement, avec un taux de subvention publique de 60% ce qui permet de renouveler la flotte.
  • 195 marins avaient bénéficié d’une valorisation de leurs acquis en 2018. Une centaine se sont inscrits pour la session de janvier prochain.

Je comprends qu’il reste des freins, il faut les lever !

J’ai donc demandé au Préfet de travailler d’ici la fin du mois de janvier à la rédaction d’une convention avec le comité régional des pêches afin de permettre le versement d’une subvention exceptionnelle pour 2020.

Enfin, pour ce qui est des licences de pêche communautaire accordées aux navires vénézuéliens, j’ai engagé un travail avec le Ministre de l’agriculture et de la pêche pour pouvoir faire un pas dans cette direction. Mais en étant vigilant pour limiter dans le temps ces licences étrangères, pour imposer un débarquement de l’intégralité de la pêche en Guyane, pour exiger de la part des transformateurs une transparence totale car mon objectif est clair : c’est développer l’emploi en Guyane.

Pour aller plus loin, il faut aussi connaitre la ressource ! j’ai alloué 2,5 millions d’euros de crédits à l’AFD sur cette question de l’évaluation des stocks dans les outre-mer en lien avec l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer et l’Institut de recherche pour le développement. Nous attendons les résultats en 2020.

Être exigeant ce n’est pas mettre « sous cloche », être exigeant c’est respecter les guyanais et s’assurer qu’un maximum de valeur ajoutée profitera au territoire grâce à cette ressource ! La Guyane mérite que l’on soit exigeant avec ses ressources.

L’État n’est pas non plus bloquant sur l’or.

L’annonce du refus du projet Montagne d’or, 10 ans après le refus du projet Montagne de Kaw ne signifie pas que le Gouvernement est opposé au développement d’un secteur minier en Guyane, c’est tout le contraire. Il n’y a pas de moratoire sur l’orpaillage légal en Guyane, il y a une vision claire de ce qu’est une « mine responsable » que portent les professionnels Guyanais. Nous avons confié une mission à M. Didier LEMOINE, expert et connaisseur du secteur minier auprès du préfet de région, afin de fluidifier les relations professionnels/administration et pour faire remonter les demandes du secteur. Nous avons engagé la concertation autour de la réforme du code minier avec les associations environnementales et les élus. Je me suis rendue hier sur le site de la nouvelle usine de lixiviation de l’entreprise Auplata Mining Group. Sous 30 à 45 jours, elle fonctionnera pleinement. Un reboisement à 100% des sites anciennement exploités est prévu et l’État y veillera. A terme, 75 emplois directs sont créés dont 80 % de main d’œuvre locale. Un partenariat avec la mairie de St Elie a été conclu pour l’approvisionnement en circuit court du site. L’entreprise est également en lien avec l’Université de Guyane, 3 personnes qui sont issues de ses formations viennent d’être recrutées. Je suis confiante, il faut poursuivre le travail sur la traçabilité de l’or et sa labellisation « Or de Guyane » dans le respect de l’environnement et de la santé des populations. Là encore, personne n’est « sous cloche » ou empêché, nous avons des exigences environnementales et industrielles qu’il faut respecter, c’est tout !

Sur l’exploitation de la forêt, c’est également une question de modèle. Nous voulons soutenir des projets comme le projet MIA d’agroforesterie à Kourou que j’ai visité ce matin. Ce projet s’inscrit dans un écosystème économique et écologique indépendant de tout intrant chimique et présente un modèle de développement jusqu’ici inconnu. Là aussi, je veux que l’Etat puisse jouer son rôle de facilitateur de projet, et jamais de censeur.

Tout est donc possible ! Les limites sont dans nos têtes !

***

Nous sommes exigent mais ces exigences ont un sens, c’est essentiel de le partager avec vous et c’est la raison de ma venue ici devant vous.

La France est amazonienne par la Guyane.

C’est le seul pays du Nord dont la responsabilité est à ce point engagée dans le futur d’une forêt équatoriale.

Et cela nous impose une responsabilité partagée énorme vis-à-vis de la biodiversité de notre planète. C’est un patrimoine de l’humanité et même au-delà !

Cela devait dépasser notre condition et notre quotidien, mais aujourd’hui, l’urgence est telle, que nous ne pouvons plus regarder ailleurs !

Je vous le répète, il n’y a pas d’un côté l’État et l’autre les Guyanais.

Nous devons prendre cette responsabilité ensemble, le monde nous regarde !

Nous devons ensemble inventer un modèle de développement nouveau, permettant une exploitation raisonnée des ressources de la forêt, mais aussi peut être une rémunération raisonnable de sa non exploitation !

Je ne vais pas vous dire qu’il ne faut toucher à rien, et que vous êtes condamnés à regarder passer le train du développement.

C’est parce que l’on raisonne comme cela que l’écologie géopolitique est un échec.

Je ne vais pas non plus vous dire que l’on doit creuser partout et tout couper pour maximiser les profits de certains en un temps record, car on a le recul aujourd’hui pour mesurer l’impact de ces politiques.

Non je vais vous dire une chose sincère : l’humanité a besoin de la Guyane pour trouver la solution entre le développement et la préservation.

J’ai eu hier la question d’un enfant de 10 ans de Kourou qui me demandait si les ressources naturelles avaient plus de valeur une fois extraites ou laissées dans leur milieu ! On peut faire comme si ces questions ne se posaient pas, mais ce serait se mentir !

Nous sommes à l’aube de la construction d’un nouveau modèle de société, il faut raisonner en dehors des cadres !

Parce qu’elle est amazonienne, archipélagique, intertropicale, subactique, la France est je crois le seul pays capable de construire ce nouveau modèle inclusif et responsable !

Je vous demande de mesurer avec moi l’ampleur du défi que nous devons affronter. C’est un moment historique, qui doit nous rendre humble mais déterminés, et je le suis.

Mais cette transformation, cette mutation, on ne la fera pas seuls. J’ai besoin de l’inventivité, de la pugnacité, de l’envie, de la fierté, de la patience, de la volonté des guyanais pour faire la différence.

Vous l’avez entendu je suis prête à lever les blocages que vous rencontrerez. L’Etat sait s’adapter quand il le faut, j’entends qu’il faille aller plus loin.

Et bien si c’est pour créer ce nouveau modèle, alors je dis oui.

S’il faut que la Guyane occupe le débat constitutionnel, s’il faut changer les choses, bouger les lignes ou réviser le statut pour que ce modèle de développement responsable et inclusif pour tous les guyanais voit le jour, alors je dis oui !

S’il faut que l’on bouscule le modèle administratif pour construire ce qui n’a jamais été imaginé, alors je dis oui !

En conclusion, je dirais surtout oui à la belle formule de Félix Eboué : ensemble, nous devons « jouer le jeu », comme il le prononçait devant la jeunesse de Pointe à Pitre en 1937 pour que la Guyane participe à changer le monde.

Vive la Guyane !

Vive la république !

Vive la France !


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